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Auguste Couder

Londres, 1789 – Paris, 1873

 

La Mort de Masaccio, 1817

 

Huile sur toile

62 × 41 cm

Signé en bas à gauche : Aug. Couder

 

Né la même année qu’Horace Vernet et deux ans avant Géricault, Auguste Couder appartient à cette génération d’artistes qui subit la marque du néoclassicisme tout en tentant de s’en évader. En 1802, il entre dans l’atelier de François-André Vincent, puis passe dans celui de Jean-Baptiste Regnault et enfin dans celui de Jacques-Louis David. Après le succès de son envoi au Salon de 1817 (Le Lévite d’Éphraïm, Arras, musée des Beaux-Arts), Couder obtient une série de commandes officielles comme le plafond du vestibule de la galerie d’Apollon au Louvre (1819) ou un ensemble de peintures de grand format pour le nouveau musée de Versailles (La Bataille de Lawfeld, 1836 ou La Prise de la ville de Lérida, 1838, Versailles, musée national du château). Passionné de technique, il se rend spécialement à Munich en 1829 pour y étudier le procédé de la fresque remis en honneur par le groupe des Nazaréens. Cette spécificité – alliée à une foi sincère qui lui permet de communiquer son émotion et sa ferveur – est à l’origine de la réalisation de décors pour des églises parisiennes comme Notre-Dame-de-Lorette (Lapidation de saint Étienne, 1836) ou la Madeleine (Repas chez Simon le Pharisien, 1838-1841). Son sens décoratif et son aptitude à mettre en scène une importante figuration pour reconstituer un événement historique ont fait de Couder un artiste particulièrement représentatif de la peinture sous la monarchie de Juillet.

 

Au Salon de 1817, Couder expose plusieurs peintures très remarquées dont une Mort de Masaccio, un sujet à l’iconographie – la mort du génie artistique – très innovante. La toile est rapidement acquise par le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe (Grenoble, musée de Grenoble), mais devant le succès remporté par la composition, Couder réalise deux versions réduites, celle que nous présentons ici, d’un format intermédiaire, et une petite variante, commandée par Eugène de Beauharnais, aujourd’hui conservée au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg [1]. Selon Vasari, Masaccio « mourut à la fleur de l’âge [il avait vingt-sept ans] ; sa disparition fut si soudaine que certains crurent plutôt à un empoisonnement[2] ». Couder choisit de représenter le moment où l’artiste ressent les effets du poison alors qu’il travaille aux fresques de la chapelle Branda da Castiglione dans l’église San Clemente à Rome (aujourd’hui attribuées à Masolino). Son œuvre restera inachevée, l’enduit simplement appliqué sur une partie du mur, les pinceaux et couleurs ayant quitté ses doigts désormais sans vie. Succombant, il est entouré de deux élèves – l’un se désolant, l’autre guettant le souffle de son maître –, d’un religieux priant pour l’artiste, mais aussi, à proximité, de deux figures peintes qui semblent participer à la scène, une femme en prière et un ange qui paraît désigner l’artiste. La nouveauté du sujet réside dans la figuration de l’émotion suscitée par la mort dans un cadre intime. Empruntant les codes visuels de la lamentation du Christ mort, Couder fait du peintre l’objet de l’affliction de son entourage proche ; la scène est ainsi celle d’une douleur intime que l’observateur est invité à ressentir, ainsi que le remarquait dès 1817 le critique François Miel : « L’ordonnance de ce petit tableau est excellente ; il y a plus que de l’intelligence dans la disposition du groupe ; l’esprit n’y a pas présidé seul ; l’âme s’y montre encore plus que l’esprit[3]. »

 


[1] V. Berezina, The Hermitage, Catalogue of Western European Paintings – French Painting, Early and Mid-Nineteenth century, Moscou-Florence, 1983, n° 85.

[2] G. Vasari, « Vie de Masaccio », La Vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, édition Chastel, Paris, 2005, livre III, p. 182.

[3] F. Miel, Essai sur les Beaux-Arts et particulièrement sur le Salon de 1817, Paris, 1817, p. 90. Sur le thème de la mort de l’artiste dans la peinture française du xixe siècle et sur la précocité de la peinture de Couder, voir F. Haskell, « Les maîtres anciens dans la peinture française du xixe siècle », dans De l’art et du goût : jadis et naguère, Paris, 1989, p. 218, et L’Invention du passé, histoires de cœur et d’épée, 1802-1850, Lyon, musée des Beaux-Arts, 2014, n° 6.2, p. 142-143.



 
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