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Pierre Puvis de Chavannes

Lyon, 1824 – Paris, 1898

 

Femme nue debout, les bras levés

 

Fusain et rehauts de craie blanche sur papier gris-bleu

280 x 140 mm

Signé et dédicacé en bas à droite : A Jouanne / bien cordialement / P Puvis Ch.

 

 

Né à Lyon, Pierre Puvis de Chavannes est envoyé au lycée Henri-IV à Paris, en 1840, pour préparer son entrée à l’Ecole polytechnique. Le projet de ses parents d’en faire un ingénieur civil tourne court avec leur mort précoce, et avec la longue maladie qui l’affecte ensuite. Le jeune homme n’a d’ailleurs pas d’idée bien définie sur son avenir jusqu’à ce qu’un premier voyage en Italie, au tournant de 1846, ne l’éveille à l’art. A son retour, il fréquente successivement les ateliers d’Emile Signol, d’Henri Scheffer, d’Eugène Delacroix, de Thomas Couture, sans se fixer chez aucun, ne suivant pas davantage les cours de l’Ecole des Beaux-Arts et travaillant, de son propre aveu, en amateur. Ne reconnaissant « d’autre école que la recherche libre de [s]on goût et l’étude guidée par l’instinct », ses recherches sont néanmoins aiguillonnées par le décor monumental peint à la Cour des comptes par Théodore Chassériau, élèves d’Ingres de cinq ans son aîné, qu’il admire. C’est dans ce genre qu’il obtient son premier succès au Salon, en 1861, avec La Paix, acquis par l’Etat et devenu le premier morceau du grand cycle décoratif du musée d’Amiens. L’œuvre décline les qualités définitives du style de Puvis : peinture mate aux couleurs claires, espace dépourvu de profondeur, composition statique, canon classique des figures exemptes de modelé, autant de caractères empruntés à l’art de la fresque de la Renaissance italienne et mis au service d’un renouvellement de la tradition classique, débarrassée de toute empreinte académique. L’archaïsme délibéré de Puvis soulève des objections et suscite des railleries de la part des partisans du réalisme. Mais il rencontre aussi une nécessité qui l’impose à son époque : la décoration de nouveaux édifices publics. Les commandes de décors pour les musées de Marseille, de Lyon, d’Amiens, de Rouen, pour les hôtels de ville de Poitiers et de Pris, pour le grand amphithéâtre de la Sorbonne, pour le Panthéon et la bibliothèque de Boston, lui permettent de progresser « toujours dans la même direction, cherchant de plus en plus ce qu’on lui criait d’éviter. […] Il marcha comme un somnambule, sans entendre, sans prendre garde, suivant fidèlement la lumière qu’il était alors seul à voir, et qui éclaire tout un peuple aujourd’hui[1]. » L’affirmation de la planéité, la négation du savoir-faire académique et une certaine simplification géométrique expliquent qu’il soit devenu, aux côtés de Cézanne, une source d’inspiration majeure des artistes modernes.

 

Notre Etude de femme nue ne prépare aucune composition connue, mais a néanmoins ses sœurs parmi les Muses qui peuplent les bois sacrés peints par Puvis, dans l’escalier d’honneur du Palais Saint-Pierre à Lyon (1885) ou dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne (1889). Puvis a essayé de définir un éternel féminin qu’il recherche, comme ici, au travers du modèle vivant. Si son goût de l’épure se retrouve dans l’économie des détails et dans le clair-obscur marqué, la caractérisation du profil et l’admirable effet de lumière sur le buste, donnent à l’image une sensualité réaliste qu’il est rare de saisir chez l’artiste, sans que la poésie du sujet en soit pour autant sacrifiée. Le fusain utilisé par l’artiste donne, par son côté charbonneux, un grand mystère à la figure tandis les rehauts de craie blanche posée par-dessus prennent un aspect laiteux assez étonnant ; la coloration du papier achève de donner de la vie à cette étude pleine de caractère. Ce dessin incarne parfaitement le goût de Puvis pour les poses singulières, les attitudes originales qu’il aime à donner à ses personnages. Cette quête de silhouettes inédites, parfois contorsionnées, est fréquente chez un artiste qui aime attribuer des postures surprenantes à ses personnages. Mélange d’austérité et de grâce, notre étude illustre parfaitement les paroles de Puvis : « On ne fait de belles choses qu’en aimant les femmes et la volupté, et tout ce qui est bon »[2].

 

Puvis a régulièrement signé et dédicacé des dessins donnés à des amis, artistes ou collaborateurs comme Alexandre Séon (Saint-Etienne, musée d’art moderne) ou Albert Maignan (collection particulière), ou encore au musicien Léo Delibes (collection particulière)[3]. Nous n’avons pas pu identifier le dédicataire de notre dessin, Jouanne, qui pourrait cependant être le peinture Pierre Léon Jouanne (1859-1897).

 


[1] R. de la Sizeranne, « Puvis de Chavannes », Revue des Deux mondes, CL, 15 novembre 1898, p. 409.

[2] Le Figaro illustré, numéro spécial consacré à Puvis de Chavannes, février 1899, p. 58, cité dans Puvis de Chavannes, une voie singulière au siècle de l’Impressionnisme, Amiens, musée de Picardie, 2005-2006, p. 176.

[3] Voir Amiens 2005-2006, op. cit., n°114-115, p. 135, n°106, p.130 et n°188, p. 191.



 
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