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Jean-Jacques Lagrenée dit le Jeune

Paris, 1739 – 1821

 

Ulysse et Nausicaa, 1781

 

Huile sur panneau

23,6 x 34 cm

Cadre estampillé par Etienne-Louis Infroit[1]

 

Provenance

Joseph-Hyacinthe-François de Paul de Rigaud, comte de Vaudreuil (1740-1817), en 1787[2]

Vente de sa collection, Paris, 26 novembre 1787, n°86

Laurent Grimod de La Reynière (1734-1793), fermier-général

Vente de sa collection, Paris, 3 avril 1793, n°53, non vendu

Deuxième vente de sa collection, Paris, 21 août 1797, n°16 (213 fr.)

 

Exposition

Salon de 1781, n°36

 

Literature

L.-V. Thierry, Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris, Paris, 1787, vol. 2, p. 547

M. Sandoz, Les Lagrenée II – Jean-Jacques Lagrenée, Paris, 1988, n°137, p. 227-228

 

Élève de son frère aîné, Louis, Jean-Jacques accompagne celui-ci en Russie entre 1760 et 1762. Bien que n’ayant obtenu que le second prix de Rome en 1763, Lagrenée est cependant autorisé à séjourner à Italie entre 1763 et 1769. De retour à Paris, il est agréé la même année à l’Académie royale de peinture et de sculpture ; son morceau de réception (1775), L’Hiver, orne encore aujourd’hui la galerie d’Apollon au Louvre. Peintre d’histoire, marqué à la fois par les Bolonais et par Boucher, Lagrenée se distingue par ses décorations monumentales : plafond du théâtre du Petit Trianon ou pendentifs de la coupole de la chapelle du couvent de la Reine à Versailles. En 1785, il devient, avec Boizot, directeur artistique de la manufacture de Sèvres, introduisant des formes et des décors inspirés des modèles antiques, en particulier du « goût étrusque », alors à la mode. Curieux des procédés nouveaux, Lagrenée invente la gravure en manière de lavis, peint sur glace ou sur marbre. Il semble avoir arrêté de travailler sous l’Empire et on ne sait rien de ses dernières années sous la Restauration. 

 

Au Salon de 1781, Lagrenée expose une paire de petits tableaux, Moïse sauvé des eaux (localisation inconnue) et notre Ulysse et Nausicaa. L’épisode choisit par l’artiste est tiré de l’Odyssée d’Homère : après avoir quitté Calypso, Ulysse, poursuivi par la vindicte de Neptune, fait naufrage sur les côtes des Phéaciens. Ayant tout perdu, y compris ses vêtements, le héros s’endort sur la grève. Réveillé par les chants de Nausicaa, fille d’Alcinoos, roi des Phéaciens, et de ses suivantes, « le divin Ulysse quitte sa retraite, de sa forte main, il rompt une branche chargée de feuilles, dont il couvre son corps et voile sa nudité. […] Ulysse se décide à se mêler à ces jeunes filles, quoiqu’il soit sans vêtement, car la nécessité l’y contraint. Il leur apparaît horrible, et souillé par l’onde amère : aussitôt, elles se dispersent de toutes parts sur les rives élevées. La fille d’Alcinoos reste seule ; ce fut Athéna qui lui donna cette force, et qui l’affranchit de toute crainte ; elle s’arrêta donc pour attendre Ulysse »[3]. Lagrenée illustre parfaitement les propos du poète, confrontant Ulysse nu et Nausicaa, tandis que les suivantes s’enfuient. Malgré son petit format – un critique anonyme du salon de 1781 disait, parlant de notre peinture et de son pendant aujourd’hui perdu, qu’« on pourrait de ces gracieuses esquisses faire de très jolies vignettes »[4] – l’artiste réalise une vraie peinture d’histoire. Evoquant une antiquité à mi-chemin entre le monde plaisant de Vien et les austérités de l’école de David, Lagrenée insiste ici sur le caractère théâtral de la scène, à la fois dans le décor et dans les gestes.

 


[1] Etienne-Louis Infroit (1720-1795) est reçu maître sculpteur à l’Académie de Saint-Luc le 14 août 1759 puis maître charpentier le 12 octobre 1768. Il est particulièrement renommé pour la qualité de ses cadres.

[2] Cité avec son pendant Moïse sauvé des eaux par Thierry, voir Bibliographie.

[3] Homère, Odyssée, chante VI, vers 127 et suivants (traduction Jean-Baptiste Dugas-Montbel).

[4] La Patte de velours, Paris, 1781, p. 33.



 
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