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Charles-Antoine Callamard

Paris, 1769 – 1815

 

Camille Desmoulins à sa table de travail, novembre 1793

 

Pierre noire, sanguine et rehauts de craie blanche

405 x 455 mm

Signé en bas à droite : Callamard / 9bre 1793

Annotations diverses : Le 14 de /  juillet / 1789 / Le Vieux Cordelier / 1793 / Veto

 

 

En dépit de l’intérêt qu’il suscita sous l’Empire et de l’admiration que lui porta David d’Angers qui lui consacra une notice[1] et en modela le médaillon, Callamard est un sculpteur mal connu et à l’œuvre rare. Élève d’Augustin Pajou à l’Académie royale, il concourt pour le prix de Rome de 1791 – non distribué -, puis obtient le second Grand prix en 1792. Il faut attendre 1797 pour le voir remporter enfin le premier prix de Rome et partir pour l’Italie quatre ans plus tard. A la villa Médicis, il achève le modèle d’un Bonaparte en Achille, statue colossale disparue pour laquelle il rivalise avec Canova et sculpte une Tête colossale de Mme Bonaparte mère. Rentré à Paris, il poursuit une carrière jalonnée de commandes et d’envois au Salon : en 1806, un relief pour l’Arc du Carrousel ainsi que des reliefs pour le fût de la colonne Vendôme. Parmi les sculpteurs de sa génération, Callamard est un de ceux chez qui l’esthétique néoclassique s’exprime avec la plus grande pureté comme dans ses marbres l’Innocence réchauffant un serpent (Salon de 1810, château de Compiègne) ou un Hyacinthe blessé (mairie de Lamalou-les-Bains). Selon David d’Angers, malade et inquiet du retour des Bourbons en France, Callamard se serait suicidé à l’âge de 46 ans en 1815.

 

Si les sculptures de Callamard sont rares, les dessins de l’artiste le sont encore plus. On ne connaissait jusqu’à présent qu’un ensemble d’études faites à Rome durant son séjour à la Villa Médicis entre 1803 et 1806 et conservées dans l’album Drouais au musée des Beaux-Arts de Rennes[2]. Notre portrait de Camille Desmoulins à sa table de travail est plus ancien et participe de l’engagement résolu de notre sculpteur dans la Révolution française. En juin 1793, Callamard offre à la convention le buste de Dampierre, général qui venait de mourir sous les murs de Valenciennes. A partir de décembre de la même année, il réside à Rouen et y réalise des décors de fêtes révolutionnaires et une Liberté terrassant le Despotisme (Rouen, musée départemental des Antiquités)[3].

 

Camille Desmoulins (Guise, 1670 – Paris, 1794) est une figure majeure de la Révolution française. Réputé pour son art oratoire, il était cependant atteint de troubles de l’élocution et de ce fait surnommé le « Cicéron bègue ». Jeune avocat, il appelle aux armes le peuple assemblé dans les jardins du Palais-Royal le 12 juillet 1789, appel qui débouchera sur la prise de la Bastille deux jours plus tard. Devenu l’un des premiers journalistes français, il crée le journal Les Révolutions de France et du Brabant qui a un grand retentissement. En août 1792, Desmoulins participe activement à l’insurrection qui renverse la monarchie et devient le secrétaire général de Danton au ministère de la Justice. Élu député à la Convention nationale, il vote la mort du roi. Ami de Robespierre avec lequel il a fait ses études, il le soutient lors de l’établissement de la Terreur. Mais bientôt la justice expéditive de celle-ci écœure Desmoulins. Il fonde alors un nouveau journal, Le Vieux Cordelier où il plaide pour une guillotine plus « économe » et devient l’un des chefs de file du parti des « Indulgents ». Arrêté et condamné à mort avec les partisans de Danton, il est exécuté le 5 avril 1794.

 

Notre dessin nous montre Desmoulins assis près d’une petite table à jeu. Tenant la plume de la main droite, il recherche l’inspiration en regardant vers le haut à gauche. Un de ses pieds est posé sur un livre annoté « Veto » - allusion au véto suspensif dont disposait Louis XVI selon la constitution de 1791 -  tandis que sa main gauche repose sur un feuillet où l’on peut lire « Le 14 de juillet 1789 » et « Le Vieux Cordelier 1793 ». Daté de novembre 1793, notre feuille a été réalisé à quelques mois de l’exécution de Desmoulins, probablement à la veille de la publication de son nouveau journal critique, Le Vieux Cordelier, dont le premier numéro parait le 5 décembre 1793. Parfaitement daté, ce dessin  constitue un exemple étonnant d’iconographie révolutionnaire.

 


[1] P.-J. David dit David d’Angers, « Considérations sur la sculpture. Notice sur le sculpteur Callamare », Revue du Progrès politique, social et littéraire, tome II, 10e livraison, décembre 1839.

[2] P. Ramade, « L’Album Drouais de Rennes et les différents artistes qui le composent : un exemple de liber amicorum », De David à Delacroix, du tableau au dessin, Actes des Rencontres internationales du Salon du Dessin, Paris, 2016, p. 119-135.

[3] M. Jeune, « Charles-Antoine Callamard, sculpteur », La Révolution en Haute-Normandie 1789-1802, Rouen, 1988, p. 235-239.



 
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