Logo Gallerie Terrades
Petit logo Gallerie Terrades

Pirro Ligorio

Naples, vers 1513 – Ferrare, 1583

 

Deux princes de la maison d’Este, vers 1575

 

Plume et encre brune, lavis brun

229 x 122 mm

Annoté en bas : ERNESTUS.VI.PHILIPPI / FILIUS / ALBERTUS VII PHILIPPI / FILIUS / Dux Grubengagh. Lunebourg / obÿt.1576 / Minus frater / obÿt. 1546

Au verso, esquisse pour un autre personnage, plume et encre brune

 

 

Pirro Ligorio illustre par excellence l’esprit d’une époque attachée, à travers la mode des « vignes » et des palais ornés d’antiques, des villas et des jardins, à la reconstruction d’une Rome imaginaire et idéale, résultat des travaux de l’humanisme érudit et de l’élan créateur de l’école de Raphaël. Originaire de Naples, Ligorio s’installe à Rome en 1534. A la fois artiste, dessinateur, architecte mais aussi archéologue réalisant des fouilles avec un rigueur et une méthode inédite à cette époque, Ligorio est un antiquaire, cherchant dans l’Antiquité romaine la source première de son inspiration. Spécialiste des revêtements de stucs et décorateur de façades en grisaille à la manière de Polidoro da Caravaggio, il est également l’architecte en chef de Saint-Pierre après la mort de Michel-Ange et l’auteur du Casino de Pie IV au Vatican. Travaillant pour la famille des Este à partir de 1566, Ligorio réalise d’importants ensembles décoratifs pour celle-ci : le décor de la villa d’Este à Tivoli pour le cardinal Ippolito, puis, après son transfert à Ferrare, celui du château de cette ville pour le duc Alphonse II.

 

A l’époque du duc Alphonse II, l’antique rivalité opposant d’un côté la Papauté, qui s’appuyait sur les Médicis à Florence, et le Saint Empire Romain Germanique était encore très forte. Les Este, une vieille famille Guelfe, était traditionnellement alliée avec l’Empire. En 1570, Alphonse II commande à Giovanni Pigna une Historia de’principi d’Este, qui devait établir la généalogie complexe reliant l’Empereur romain Caius Atticus avec la famille d’Este. Cet ouvrage, en insistant tout particulièrement sur la partie allemande de la famille, originaire des régions de Brunswick et de Lünebourg, devait servir à appuyer les prétentions des Este auprès de l’Empereur, notamment dans la lutte qui les opposait à la famille des Médicis. En remontant à l’Antiquité et au Moyen-Âge, le duc d’Este souhaitait prouver ainsi l’illustration de son lignage et supplanter les Médicis, de plus récente extraction. Les prétentions nobiliaires des Este seront finalement repoussées par Maximilien II et à la mort du duc, sans héritier, en 1597, le duché de Ferrare est saisi par le pape et la famille d’Este se replie sur Modène et Reggio.

 

Pour illustrer la grandeur et l’antiquité de la famille d’Este, Alphonse II commande à Ligorio une série de fresques en camaïeu de bronze pour décorer la cour du château de Ferrare. Ces fresques représentaient les deux cents ancêtres du duc d’après l’ouvrage de Pigna et furent peintes par Bartolomeo et Girolamo Faccini entre 1575 et 1577 (une toute petite partie de cet ensemble est encore conservée aujourd’hui à Ferrare). Si Ligorio n’exécute pas les fresques, il en fit cependant les dessins, vraisemblablement une centaine, chaque dessin de la série représentant deux princes de la famille. A l’origine, ces dessins faisaient probablement partie d’un manuscrit que l’on soumit à l’approbation du duc. Quarante-cinq de ces dessins sont aujourd’hui conservés dans différents musées et collections particulières : vingt-quatre à l’Ashmolean Museum d’Oxford, quatre à la Staatliche Graphische Sammlung de Munich, quatre également au British Museum de Londres[1], deux au musée des Offices de Florence, un au musée du Louvre, au Metropolitan Museum of Art de New York, à la Staatsgalerie de Stuttgart, à l’University Museum de Princeton, etc.[2]

 

Notre dessin représente deux des ancêtres allemands du duc d’Este, Ernest VI et Albert VII, deux fils du duc Philippe de Grubenbach Lünebourg, décédés au cours du XVIe siècle. Inédit et inconnu de Coffin qui étudia longuement cette commande[3], notre dessin constitue un ajout significatif à l’ensemble dispersé.

 


[1] J. A. Gere et P. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum, Artist Working in Rome, Londres, 1983, n°206 à 209, p. 118 à 120.

[2] David R. Coffin, Pirro Ligorio, The Renaissance Artist, Architect, and Antiquarian, Penn State Press, 2003, "Checklit of Figural and Ornamental Drawings" : n°10, 17, 25 à 28, 37, 40 à 63, 109 à 113, 120, 122, 210, 212, 215, 225, 227 et 250. Un dessin non cité par Coffin a été récemment donné au musée du Louvre.

[3] D.R. Coffin, « Pirro Ligorio and decoration of the late 16th century in Ferrara », The Art Bulletin, XXXVII, 1955, p. 167-185.



 
Retour