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Jacques Sablet

Morges, 1749 – Paris, 1803

 

La Diseuse de bonne aventure, vers 1782

 

Plume et encre brune, lavis d’encre de Chine

160 x 240 mm

 

 

Fils d’un peintre doreur de Morges, dans le pays de Vaud, Jacques Sablet se forme d’abord dans l’atelier du peintre décorateur Denis Cochet à Lyon, puis rejoint en 1772 à Paris son frère François. Devenu élève de Vien, Sablet suit les cours de l’Académie puis accompagne son maître en Italie quand celui-ci est nommé directeur de l’Académie de France à Rome. Pensionnaire protégé, il fréquente David et Peyron, la colonie de peintres allemands et le genevois Jean-Pierre Saint-Ours. Rapidement, Sablet abandonne la peinture d’histoire pour se consacrer à la peinture de genre, aux scènes de mœurs et de caractère – comme Le Premier pas de l’enfance (Forli, Municipio) ou le Colin-maillard (Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts) – et se spécialiser dans les portraits. Pour cette dernière catégorie, il introduit une nouvelle approche, inspirée de la manière anglaise, où le modèle est situé dans un paysage. La formule, reprise par Gauffier, Boilly ou Danloux, connaît à partir de 1790 une vogue européenne. Après les émeutes antifrançaises à Rome en 1793, Sablet se réfugie à Florence puis rentre à Paris. Ses tableaux, exposés au Salon, sont remarqués pour leur lumière italienne et le font surnommer « le peintre du soleil ». Son œuvre séduit alors le cardinal Fesch comme Lucien Bonaparte qui lui octroient leur protection et collectionnent nombre de ses travaux.

 

Vers 1782, Sablet peint une Diseuse de bonne aventure, alors acquise par J. Campbell de Carwhin avant de passer vers 1798 dans la collection du comte de Breadalbane (Édimbourg, National Gallery of Scotland, fig. 1). Une autre version, perdue, sera exposée par l’artiste aux Salon de 1796 et 1797 et se retrouve dans la vente de la collection du cardinal Fesch à Rome en 1845. Cette composition, à laquelle Sablet semble attacher une grande importance, a été préparée par deux feuilles aujourd’hui conservées au musée Dobrée de Nantes[1]. De grand format et d’une facture assez libre, elles sont certainement préparatoires pour un tableau. Par ailleurs, la composition a été gravée par l’artiste lui-même[2]. Un troisième dessin, aux dimensions proches de celles de l’estampe et d’un grand fini, pourrait être le dessin qui a servi pour réaliser l’estampe ; il est aujourd’hui conservée aux Beaux-Arts de Paris[3]. Notre dessin, aux dimensions égales à celles de l’estampe et au dessin des Beaux-Arts, mais plus esquissé, pourrait être une première version de cette réduction qui servit à l’artiste pour réaliser son estampe.

 

On retrouve ici tous les éléments de la composition : sur une feuille de petit format, l’artiste associe l’anecdote de la diseuse de bonne aventure, la scène de famille dans un intérieur et les études de costumes. Sablet observe avec sympathie l’anxiété de la jeune villageoise, le mari qui se mord les doigts de son imprudente démarche, les deux enfants craintifs s’attachant aux jupes de la nourrice et le garçon qu’un paysan a juché sur un âne. La lumière s’introduit dans la scène par la droite, manifestée par une ligne oblique et éclairant, dans la partie gauche, la paume de la jeune femme trop curieuse de son destin. Ici, comme souvent, Sablet privilégie la plume et l’encre brune, largement rehaussée au lavis d’encre de Chine, dans une technique très proche du d’un des dessins conservés à Nantes. Avec cette feuille inédite, le dossier autour de la Diseuse de bonne aventure se complète d’un nouvel élément qui illustre parfaitement l’art de Sablet dans la Rome des années 1780.

 

Nous remercions Madame Anne Van de Sandt, spécialiste de l’artiste, qui nous a aimablement confirmé l’attribution de ces dessins et nous a fourni des éléments précieux pour la rédaction de cette notice.

 


[1] A. Van de Sandt, Les Frères Sablet, peintures, dessins, gravures, Nantes, Lausanne, Rome, 1985, p. 91-92, n°58 et 59 (inv. 56-5197 et 67-5196).

[2] Ibidem, p. 111, n°96 (une épreuve connue, Genève, Cabinet des Estampes, inv. E 84/307).

[3] Maîtres français 1550-1800, dessins de la donation Mathias Polakovits à l’École des Beaux-Arts, Paris, École nationale supérieur des Beaux-Arts, 1988, n°122 et De l’alcôve aux barricades : de Fragonard à David, dessins de l’École des Beaux-Arts, Paris, Fondation Custodia, 2016-2017, n°39.



 
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