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Etienne Allegrain

Paris, 1644 – 1736

 

Lavandières dans un paysage, vers 1675

 

Huile sur toile

76 x 107 cm

 

Provenance

Londres, Sotheby’s, 7 décembre 1994, n°174 (J.-F. Millet)

 

Bibliographie

H. Coulais, L’Éveil du paysage, Peindre la nature sous le règne de Louis XIV, thèse en histoire de l’art soutenue en 2022, Paris, Sorbonne université, volume 2, p. 277, n°EA69

 

 

Jalon essentiel dans l’histoire du paysage classique ou composé qui va d’Annibal Carrache et Poussin à la génération des néo-classiques Pierre-Henri de Vaenciennes et Michallon, Etienne Allegrain reste pourtant un peintre rare. Comme tant d’autres artistes à l’époque, il appartient à une dynastie de peintres et sculpteurs. Si nous sommes peu renseignés sur sa formation (il est peut-être l’élève d’Henri Mauperché), sa carrière académique est bien jalonnée : agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 30 mai 1676, il est reçu académicien le 30 octobre de la même année. Dès lors, il est régulièrement appelé à participer aux commandes royales. En 1688, il collabore aux côtés de Jean-Baptiste Martin et de Jean Cotelle à la décoration du Grand Trianon. Il exécute également plusieurs paysages dans les appartements d’été de la Ménagerie de Versailles en 1700. Nourri par sa culture de l’Académie royale, encouragé par le commerce des curieux parisiens et la fréquentation des collections royales, Allegrain s’est particulièrement intéressé aux grands paysages de la maturité de Nicolas Poussin, qui suscitent chez lui, un demi-siècle plus tard, l’élaboration d’un art fermement inscrit dans la tradition du paysage « construit ».

 

On retrouve cette forte influence dans notre Lavandières dans un paysage, probablement peint au début de la carrière de l’artiste quand l’effet de l’art de Poussin est le plus prégnant chez notre artiste. Composition réfléchie destinée aux connaisseurs des monuments de l’Antiquité, notre paysage est aussi une œuvre au charme pittoresque. L’enchaînement rigoureux des plans permet à Allegrain de développer, sous un ciel nuageux, un panorama de bosquets et d’étangs, sillonné de routes terreuses. L’artiste peint une Italie rêvée, où les monuments antiques répondent à une nature idéalisée et héroïsée. Les lavandières, à moitié dissimulées dans l’ombre, donnent l’échelle de cette campagne apaisée et baignée d’une lumière harmonieuse. On retrouve tous ces éléments dans d’autres œuvres de l’artiste comme dans un Paysage à la rivière conservé au musée du Louvre.

 

S’il ne s’agit pas d’une peinture d’histoire ou d’un paysage métaphorique, notre œuvre propose un discours nuancé entre une antiquité  heureuse et la fragilité de la vie humaine, rappelée par le tombeaux orné de guirlandes funéraires figuré au premier plan. Cet élément qui incite à une réflexion sur la vanité est l’un des leitmotiv de Poussin, dont l’exemple le plus connu est les Bergers d’Arcadie (1650, Paris, Musée du Louvre). Par ailleurs, la répartition des masses du paysage d’Allegrain n’est pas sans rappeler celle du Saint Jean à Patmos de Nicolas Poussin, conservée à Paris vers 1680 (1640, Chicago Art Institute) : les deux massifs d’arbres qui encadrent un chemin menant vers des ruines au bord d’un vaste plan d’eau, avec des massifs montagneux en arrière-plan, ainsi que les pierres taillées disposées au premier plan. Ces emprunts et hommages plus ou moins précis au grand maître, permettent d’inscrire notre œuvre d’Allegrain dans le large courant des paysagistes classiques, aux côtés des tableaux de Gaspard Dughet ou de Jean-Baptiste Millet.



 
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