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Sébastien Bourdon

Montpellier, 1616 – Paris, 1671

 

Le Sacrifice de Noé à la sortie de l’Arche, vers 1645

 

Huile sur toile marouflée sur panneau

Diamètre 23 cm

 

 

Les années d’apprentissage de Bourdon se font de ville en ville, de Paris à Toulouse, en passant par Bordeaux. En 1634, il est à Rome et n’a pas vingt ans. Il y acquiert vite la célébrité en peignant des bambochades à la Pieter van Laer, des Claude Lorrain et surtout des Poussin, montrant une grande faculté d’assimilation. Calviniste, il quitte Rome en 1637 pour échapper au Saint-Office et rentre à Paris où il va devenir bientôt un portraitiste et un peintre d’histoire de renom. Sa renommée lui vaut, en 1652, d’être invité en Suède par la reine Christine dont il devient le Premier Peintre. Artiste au talent multiforme, dessinateur, graveur, Bourdon va passer d’un style à la fois marqué par la grande manière italienne - les Carrache, Cortone, les Vénitiens - et par la palette claire de Vouet, à une interprétation originale de Poussin où l’intellectualisme du maître est tempéré par un coloris doux et des formes assouplies.

 

Autour de 1645, Bourdon réalise une série de peintures sur toile ou sur cuivre en forme de tondo de petit format (entre 22 et 30 cm de diamètre). Certaines de ces œuvres sont aujourd’hui conservées en collection publique (Enlèvement d’Hélène, Rouen, musée des Beaux-Arts) ou dans des collections particulières[1]. On ignore la destination de ces œuvres, destinées aux amateurs, mais au moins deux d’entre-elles ont été copiées sur email pour faire des couvercles de montres à gousset. Notre huile sur toile, inédite, s’insère parfaitement dans ce groupe. Sa composition était déjà connu de Jacques Thuillier grâce à un dessin anonyme, conservé au musée des Beaux-Arts de Marseille, librement inspiré de notre peinture[2]. Par ailleurs, il faut noter la parenté manifeste de notre tableau avec une composition attribuée à Nicolas Poussin et dont on connaît plusieurs versions, la meilleure étant conservée au National Trust de Tatton Park, Knusford, Cheshire[3]

 

Dans notre Sacrifice de Noé, Bourdon se penche sur un épisode tiré de la Genèse (chapitre 8, versets 20 et 21) : après le déluge et alors que l’arche vient de se poser sur le mont Ararat, Noé et sa famille offre à Dieu des holocaustes pour le remercier de l’avoir épargné. Populaire dans la peinture italienne, le sujet est cependant rarement traité dans l’art français du XVIIe siècle. Bourdon le reprendra cependant à une autre occasion, dans une composition plus large dont il existe deux versions, au musée des Beaux-Arts d’Arras et au musée Pouchkine à Moscou[4]. Au centre de la composition, l’arche qui vient de se poser et un autel devant lequel se tient Noé, les mains jointes pour la prière ; Dieu apparaît dans les bouffées de fumée montant du feu sacrificatoire pour signifier à l’homme qu’il accepte le sacrifice et qu’il ne fera pas d’autre déluge. Tout autour du patriarche, sa famille : en rouge, sa femme, à ses côtés deux de ses fils et à gauche, deux de ses belles-filles. Dans le fond, Bourdon insère un paysage de vaste étendue d’eau, qui évoque le déluge et ajoute plusieurs couples d’animaux sortant de l’arche pour aller repeupler la terre. Inspiré par l’exemple de Poussin, Bourdon élabore une composition qui - malgré la taille réduite de l’œuvre - peut être lue grâce à l’ordonnancement des personnages dont les attitudes, les gestes et les regards s’opposent et se répondent pour servir à l’expression visible des passions, apportant une expressivité toute particulière à cette œuvre.

 


[1] J. Thuillier, Sébastien Bourdon, 1616-1671, Paris, 2000, n°81, 82, 84 et 85, p. 226-229 ; deux autres exemples, Jugement de Pâris et Artemisia buvant les cendres de son époux à la galerie Didier Aaron en 2012.

[2] Ibid., Œuvres refusées n°3, p. 460.

[3] A. Mérot, Poussin, Paris, 1990, n°3.

[4] J. Thuillier, op. cit., n°218 I et II, p. 351-352.



 
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