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Rogelio de Egusquiza y Barrena

Santander, 1845 – Madrid, 1915

 

Alberich, 1905

 

Huile sur toile

82 × 117 cm

Signé et daté en haut à droite : Egusquiza / 1905

Au verso, marque du fabricant de couleurs Moirinat, Paris

 

Exposition

Patrice Chéreau, un musée imaginaire, Avignon, Collection Lambert, musée d’art contemporain, 2015, p. 109

 

 

Né à Santander, Rogelio de Egusquiza est l’élève de Francisco Mendoza Moreno à Madrid avant de gagner Paris en 1860 pour entrer dans l’atelier de Léon Bonnat à l’École des beaux-arts. Exposant au Salon à partir de 1867 des scènes de genre influencées par son compatriote Mariano Fortuny, Egusquiza est frappé par la disparition de son ami à Rome en 1874. Mais c’est la découverte de la philosophie d’Arthur Schopenhauer et de la musique de Richard Wagner deux ans plus tard qui vont bouleverser sa vie et sa carrière, l’incitant à abandonner la peinture de genre pour se tourner vers la peinture d’histoire et allégorique. Trois ans plus tard, il assiste à l’une des premières représentations du Ring des Nibelungen (L’Anneau du Nibelung) à Munich : il part aussitôt pour Bayreuth, où il se lie avec le compositeur. De son amitié avec le musicien naquit un portrait, le seul que Wagner ait pleinement apprécié. Installé à Paris, Egusquiza va dorénavant se consacrer jusqu’à sa mort à l’œuvre wagnérienne, et cela indépendamment de toute commande.

 

Entre 1904 et 1911, Egusquiza réalise une série de sept toiles d’un format spectaculaire – environ 2,40 × 1,80 m – évoquant Tristan et Isolde, L’Or du Rhin et Parsifal. À la disparition de l’artiste, sa famille donne les quatre œuvres inspirées de ce dernier opéra au musée du Prado (Kundry et Parsifal, aujourd’hui déposés au musée de Badajoz, Titurel et Amfortas, au musée de Cáceres). Si le Tristan et Isolde (La Mort) est aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts de Bilbao, la localisation du Tristan et Isolde (La Vie) et de Alberich et les filles du Rhin reste inconnue. Cette dernière peinture (fig. 1) illustre la première scène de L’Or du Rhin, le prologue du Ring, qui conte les origines du drame : le nain Alberich vole l’Or du Rhin, gardé au fond du fleuve par les trois filles du Rhin, pour en forger un anneau qui donnera une puissance illimitée à celui qui le possédera. Dans son tableau, Egusquiza oppose Alberich, dans la partie supérieure de la toile, qui vient de comprendre la puissance de l’or et va renoncer à l’Amour pour s’en emparer, et les trois ondines enlacées qui entr’aperçoivent les conséquences du vol. Notre tableau est une esquisse – si l’on peut encore parler d’esquisse pour une œuvre mesurant 82 × 117 cm ! – pour la figure du Nibelung : accoudé sur un rocher, le poing serré, il regarde farouchement devant lui, rêvant aux moyens de s’approprier l’Or prodigieux. La touche divisionniste utilisée par Egusquiza – qui par sa multitude de points de couleur accentue le côté esquissé de notre œuvre – est typique du style employé par l’artiste dans ses études, les œuvres achevées étant en général peintes dans un style académique plus prononcé. Par ailleurs, on note dans l’angle supérieur droit une reprise plus petite du personnage d’Alberich, qui permet de mieux saisir la manière de travailler d’Egusquiza. La forte lumière venant de gauche qui enveloppe la figure n’est pas sans évoquer un éclairage de scène, sujet dont Egusquiza était un grand spécialiste : il publie en effet un article remarqué sur ce sujet dans les Bayreuther Blätter en 1885[1]. Notre Alberich constitue ainsi un exemple représentatif de l’influence considérable que la musique et la théorie artistique de Wagner exercent sur le paysage plastique européen, et en particulier espagnol, de la fin du xixe siècle.

 


[1] R. de Egusquiza, « Ueber die Beleuchtung der Bühne. Eine Zuschrift an den Redakteur der Bayreuther Blätter », Bayreuther Blätter, juin 1885, p. 183-186, cité dans P. Lang (sous la direction de), Richard Wagner, visions d’artistes d’Auguste Renoir à Anselm Kiefer, Genève, musée d’Art et d’Histoire, 2005, p. 168-169.



 
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