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Jan Van Beers

Lierre (Anvers), 1852 – Fay-aux-Loges (Loiret), 1927

 

Le Chic : Melle Régane dans « Le Cœur de Paris », 1887

 

Huile sur panneau d’acajou

34 x 22,5 cm

Signé en bas à gauche : Jan van Beers

 

Exposition

Exposition des œuvres de Jan van Beers, Paris, galeries Durand-Ruel, 1888, n°34

 

 

Fils du poète Jan Van Beers et descendant du célèbre peintre Anton Van Dyck, Jan se forme à l’École des Beaux-Arts d’Anvers avant de venir s’installer à Paris en 1878 pour travailler dans l’atelier d’Alfred Stevens. A ses débuts, l’artiste réalise des peintures d’histoire, comme Les Funérailles de Charles le Bon, comte de Flandre (1876, Paris, musée du Petit Palais). Comme celles-ci ne reçoivent pas l’accueil favorable qu’il avait espéré, Van Beers commence, à partir de 1879, à peindre des tableaux de petite taille, hyperréalistes et extrêmement raffinés. Ce changement de stratégie remporte un succès quasi immédiat, à tel point que des critiques l’accusent de peindre sur photographie. Le procès pour diffamation qui suit ces accusations se tient en 1882 devant le tribunal civil de Bruxelles mais Van Beers n’obtiendra pas réparation au nom du « droit incontestable de la critique ». Aigri, Van Beers se consacrera alors plutôt aux portraits, à l’illustration pour les revues et aux scènes de genre.

 

Le 23 mai 1887, à l’Opéra-Comique, se tient l’unique représentation de la revue musicale Le Cœur de Paris, écrite par Philippe Régnier, marquis de Massa. Le spectacle, donnée au profit des œuvres de la Société Philanthropique, est un grand succès mondain et sera cité et illustré dans de nombreux journaux[1]. Deux jours plus tard, le 25 mai, le théâtre est ravagé par un incendie et Le Cœur de Paris ne sera jamais plus repris. Dans le prologue de cette œuvre, trois caractères s’opposent : la Doctoresse, jouée par Melle Magnier, la Presse (Melle Degrandi) et le Chic parisien, incarné par Melle Réjane. C’est cette dernière que Van Beers choisit de représenter ici, devant une colonne et un rideau vert, comme sortant de scène. On retrouve bien dans cette œuvre la maîtrise technique de Van Beers mais aussi son style d’un réalisme quasi photographique qui suscita tant de commentaires. Cette image sera adaptée pour la reproduction par Florian dans le numéro du 1er décembre 1887 de la Revue illustrée (p. 364, fig. 1).

 

Réjane (Gabrielle-Charlotte Réju, 1856-1920), qui, dans les années 1880 dispute à Sarah Bernhardt le titre de la plus grande actrice de l’époque, revêt ici un habit de soirée très particulier, mi-homme, mi-femme. Il a été réalisé sur mesure par John Redfern (1820-1895), le célèbre couturier qui a adapté, bien avant Coco Chanel ou Yves Saint-Laurent, le costume masculin pour les femmes. Si le bas du costume, avec une jupe portefeuille - qui rappelle un habit d’amazone - et des souliers vernis noirs renvoie à la féminité de l’actrice, toute la partie supérieure est faite pour accentuer le côté masculin du costume : veston noir à revers de soie, chemise blanche à col cassé, gilet en piqué de coton, nœud papillon, fleur à la boutonnière, gants blancs, chapeau haut-de-forme, monocle et canne. Provocante et élégante, Réjane incarne ainsi le Chic parisien dans toute sa modernité, un chic très masculin !

 


[1] Outre une page de dessins d’Adrien Marie reproduits dans le Théâtre illustré, différentes coupures de presse non identifiées et relatives au spectacle sont conservées à la Bibliothèque nationale de France.



 
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