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Pierre Revoil

Lyon, 1776 – Paris, 1842

 

La Mauvaise nouvelle ou Vous n’avez plus de fils !, 1822

 

Graphite, plume et encre de Chine, lavis d’encre de Chine et lavis brun

175 x 200 cm

Monogrammé en bas à droite : P.R.

Au verso, inscription au graphite : La Mauvaise Nouvelle / Anastase, la patrie vient de perdre 

/ L’un de [ses plus] v[aleureux] déffenseurs … vous n’avez plus de fils !

Annoté au verso du carton de fond : Ce beau dessin est de / M. P. Revoil, Maître / alors de l’École de peinture de Lyon / vers les premières années / de l’Empire premier / Les Héllènes enfin ramènent la victoire ; / Mais un regret public vient attrister leur gloire / hélas ! Démétrius, votre généreux fils, / Est mort en combattant pour sauver son pays.


Exposition

Salon de Lyon, 1822, n°22

 

Bibliographie

M.-C. Chaudonneret, Fleury Richard et Pierre Revoil, la peinture troubadour, Paris, 1980, n°180, p. 172 (non localisé)

La Grèce en révolte, Delacroix et les peintres français, 1815-1848, Bordeaux, Paris, Athènes, 1996-1997, p. 62 et 262


 

Issu d’une famille modeste, Revoil entre à l’école de dessin de Lyon où il reçoit les leçons d’Alexis Grognard. Entré dans l’atelier de David en 1795 grâce à la recommandation de Pierre Toussaint-Déchazelle, Revoil se distingue, aux côtés d’un autre Lyonnais, Fleury Richard, par son   goût   pour  les  sujets  médiévaux  et  de  la  Renaissance  qu’il développe  dans  le  style  « troubadour ». Il devient l’un de ses principaux représentants, aux côtés de Vermay, Coupin de la Couperie et d’Ingres. Revoil fait ses débuts au Salon en 1804 et y expose jusqu’en 1842. Il obtient son premier succès au Salon de 1810 avec L’Anneau de l’empereur Charles Quint, œuvre dont les accessoires historiques, scrupuleusement rendus, s’inspirent de sa collection médiévale et de la Renaissance ; cette dernière sera achetée par Charles X en 1828 pour le musée du Louvre. La fascination de Revoil pour le Moyen Âge et la Renaissance le pousse même à étudier la « langue romane » et à composer des romances médiévales, comme La Blanche Marguerite.

 

Comme de nombreux artistes contemporains, dont Eugène Delacroix et Ary Scheffer, Pierre Revoil est un partisan fervent de la liberté du peuple grec. Commencée en 1821, la lutte pour l’indépendance de la Grèce contre l’Empire ottoman est intensément soutenue en France par les milieux libéraux et s’achève en 1832 par la formation de l’État grec. Avec la guerre d’indépendance apparaît en Europe la figure du Grec moderne, que commente Augustin Jal dans sa présentation des œuvres du Salon de 1824 : « Hector, Achille, Agamemnon me fatiguent de leur sublimité. […] Ce qui m’occupe tout entier sont les Klephtes et les Armatolis. […] Ulysse, Kolokotronis, voilà les noms qui parlent à mon cœur. Adieu donc Grèce antique ![1] » Profondément croyant, Revoil perçoit la guerre gréco-turque comme un combat pour défendre la religion chrétienne, une guerre sainte. Il expose au Salon de 1822, sous le titre L’Hospitalité provençale, une peinture (perdue) montrant un vieillard découvrant une croix grecque attachée à sa poitrine, tandis qu’une Arlésienne lui offre une grappe de raisin, symbole du sang du Christ. Plusieurs dessins, conservés en collections particulières ou dans des musées, illustrent également des thèmes grecs[2], comme la Scène de l’indépendance grecque (Montpellier, musée Fabre, fig. 1), très proche de notre feuille par ses dimensions et sa technique[3].


Dans notre œuvre, inédite mais connue par sa mention lors de son exposition au Salon de Lyon en 1822 (Grec rapportant à sa famille de mauvaises nouvelles du Péloponnèse), Revoil illustre les conséquences de la guerre gréco-turque. Un vieillard, soutenu par une jeune fille - sœur ou fiancée du disparu - reçoit la nouvelle de la mort de son fils, tué au combat. Le porteur de la terrible nouvelle est un évzone, militaire grec en uniforme traditionnel : jupe plissée, gilet brodé porté sur une chemise blanche, béret et sabre. Des annotations, l’une au verso du dessin et l’autre au dos du montage d’origine, expliquent l’image et citent les prénoms Anastase (pour le père) et Démétrius (pour le fils). Ces prénoms renvoient au martyre de deux Grecs, Démétrius Beyiasis et Anastase Panéras, vanniers de profession ; arrêtés par des officiers turcs en 1816, ils refusent de se convertir à l’islam et sont pendus le lendemain. Comme toujours chez Revoil, le sens du tragique - le dévouement et le sacrifice des Grecs pour leur patrie - se combine à un travail minutieux, où costumes et objets sont rendus avec précision, comme le pot de fleurs à gauche ou le couple de colombes dans l’angle inférieur droit.

 


[1]  A. Jal, L’artiste et le philosophe, entretiens critiques sur le Salon de 1824, Paris, 1824, cité dans La Grèce en révolte, Delacaroi et les peintres français, 1815-1848, Bordeaux, Paris, Athènes, 1996-1997, p. 136.

[2] M.-C. Chaudonneret, La Peinture troubadour, deux artistes lyonnais Pierre Revoil (1776-1842) et Fleury Richard (1777-1852), Paris, 1980, cat. 89 à 95, ill. 241 à 245.

[3] Plume et lavis d’encre de Chine, 215 x 202 mm, inv. 836.4.127.

 



 
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